"La construction européenne, c’est à dire l’organisation d’une coexistence pacifiée entre des nations européennes volontaires, disposées à nouer des compromis politiques et à exercer ensemble certaines compétences souveraines, continue sa marche entamée en 1950, sous protection de l’allié américain. La mise en place d’une Communauté européenne puis d’une Union européenne a été ponctuée par la signature de trois grands traités fondateurs (Rome 1957, Maastricht 1993, Lisbonne 2009). L’Europe de l’Union est d’abord une communauté de droit, associant des régimes démocratiques et établissant des règles et des normes. Réguler est ce qu’elle sait le mieux faire.

Ce processus s’est toujours situé dans des contextes internationaux précis qui sont ici rappelés et envisagés dans leurs effets durables. Le monde est d’abord, d’un point de vue de l’analyse géographique, une échelle de référence. Il désigne un système d’échanges généralisés entre les différentes parties du globe, avec des transactions économiques, mais également la diffusion massive et instantanée d’informations, le choc des valeurs culturelles et la nécessité de faire vivre des institutions mondiales traitant des enjeux globaux.

Il s’agit donc d’étudier à partir de cas concrets et aux échelles pertinentes comment l’Europe de l’Union peut se situer dans un monde de compétition qui ne lui est pas spontanément favorable. En effet, elle n’est pas un État, à la différence des autres puissances, mais, pour reprendre la formule de Jacques Delors, une « fédération d’États-nations » où les gouvernements restent les décideurs principaux mais dans laquelle certaines compétences sont partagées : l’euro et la Banque centrale européenne, les fonds structurels et la politique agricole, les négociations commerciales internationales et, depuis peu, le fonds européen de défense et l’achat coordonné de vaccins. L’enjeu pour cet ensemble original est de peser sur les affaires du monde comme centre de pouvoir, sans être pour autant un grand État. C’est en privilégiant l’échelle mondiale que l’on peut aujourd’hui mieux comprendre la singularité de l’Union européenne."